Eurovision 2023 : quand l'Europe danse pour oublier la crise
Tous les titres à ne pas manquer avant la grande finale du 13 mai
It’s that time of year again. Le 13 mai prochain, toute l’Europe sera réunie, devant sa télé ou à Liverpool, pour suivre la 67ème édition du concours de l’Eurovision. Critiqué par certains pour son mauvais goût assumé, adoré par les autres pour les mêmes raisons, l’ESC (Eurovision Song Contest) reste cette grande kermesse à la gloire de la pop européenne, une pop inclusive, avec le sens du drame et de la fête.
Chaque année, les européens se réunissent pour célébrer tout ce que la pop a de plus excessif et singulier. L’Eurovision, c’est un outil de soft power à l’efficacité redoutable, où chaque artiste vient vanter les good vibes de son pays à travers des ballades lacrymales ou des tubes club qui n’ont pas froid aux yeux. Derrière les ventilos et les paillettes, on assiste au spectacle d’une Europe unie, ou plutôt au fantasme d’une Europe unie.
Car à l’Eurovision, tout est politique. Et en 2023, en plein conflit ukrainien, la grande absente reste la Russie, persona non grata depuis son entrée en guerre l’an dernier. L’Ukraine avait d’ailleurs remporté le concours en mai 2022, mais par mesure de sécurité, il était impossible que la ville de Kiev accueille les eurofans en mai prochain.
Alors, à quoi ressemble la sélection de cette année ? Eh bien, malgré le climat anxiogène d’une Europe en guerre, ce millésime 2023 est une très longue enfilade de titres festifs, feel good et pop comme on n’en avait plus vu depuis longtemps. Il faut croire que les européens ont envie d’oublier la crise en dansant comme si demain n’existait pas.
Rappeurs métal bariolés, divas à la voix haut perchée, reines du dancefloor, latin lovers en surchauffe ou stars de TikTok, toute l’europop dans ce qu’elle a de plus cool, bizarre ou étonnant a sa place cette année. Petit tour d’horizon des titres les plus emblématiques de cette sélection 2023.
Käärijä, le rappeur déglingue
“La Finlande est un pays de fêtes, de pop et de heavy metal. Cette chanson mélange tout ça à la fois”. C’est ainsi que le rappeur Käärijä présente “Cha Cha Cha”, un titre à la fois totalement barré mais aussi parfaitement eurovisionnesque, puisque dans ce concours on le sait, too much is never enough.
Pour faire court, “Cha Cha Cha” est une ode à la fête et à la biture express. Musicalement, on se situe entre Rammstein et le groupe Aqua. Oui oui. Käärijä, qu’on pourrait décrire comme l’équivalent d’un Squeezie nordique, porte sur scène un étrange boléro vert fluo clouté so queer, tout en éructant en finnois. Et du coup, à chaque prestation, on ne sait plus trop si on doit être effrayé ou excité.
“Cha Cha Cha” est une invitation au lâcher prise à coup de piña colada, pour oublier le stress et les vicissitudes du quotidien. Drôle, déstabilisant mais addictif, le genre de titre que les non habitués du concours vont détester, et que les eurofans adorent déjà. Käärijä a toutes ses chances de cartonner au télévote.
Loreen, l’icone suédoise
De l’avis général, Loreen est la favorite pour cette année. On se souvient de sa victoire en 2012 avec “Euphoria”, tube emblématique d’une époque où la Suède était la grande championne de l’electro (avec Avicii ou la Swedish House Mafia). Depuis, la Suède n’a remporté qu’une seule victoire en 11 ans (en 2015 avec Måns Zelmerlöw), un comble dans un pays pour qui l’Eurovision est une obsession voire une fierté nationale.
Le titre qu’elle propose, “Tattoo”, est tout aussi puissant, mélodique et chargé en émotion que le club banger qui la fait connaitre. A la fabrication de ce morceau, une partie des auteurs derrière “Euphoria” (Peter Boström et Thomas G:son), mais aussi Cazzi Opeia, réputée pour écrire des tubes pour la k-pop (Red Velvet, ITZY, Twice ou Enhypen), et quelques autres. En somme : une dream team de compositeurs mobilisés pour la gagne.
Bénéficiant d’une cote de sympathie inaltérable depuis le succès d’”Euphoria” (l’un des titres préférés des eurofans de toute l’histoire du concours), Loreen a gardé son aura de dark prêtresse pop à la voix surpuissante et aux stagings surprenants. Et “Tattoo” possède toute la dose de drame et de panache d’un grand tube de l’Eurovision.
Alessandra, guerrière eurodance
“Queen of Kings” était l’une des premières chansons du concours à être dévoilées, et depuis, elle comptabilise déjà plus de 25 millions de streams. Alessandra a 20 ans, et c’est son tout premier titre. Elle représentera la Norvège avec cet énorme hymne guerrier, dont la rythmique electro du refrain est tellement trépidante qu’elle pourrait faire tomber des bibelots de vos étagères si vous la jouez un peu trop fort.
Alessandra Mele a des origines italiennes et norvégiennes, mais elle ne s’est installée en Norvège que très récemment. Bon choix : à peine arrivée, elle remporte la septième saison du The Voice norvégien l’an dernier. On a donc affaire à une vraie success story éclair.
“Queen of Kings”, avec sa mélodie très Game of Thrones, sa prod’ eurodance à réveiller les morts et son message féministe, ont toutes les chances d’être un puissant lanceur de carrière pour cette jeune meuf ouvertement bisexuelle, débordant d’énergie et de projets musicaux pour l’avenir.
Mae Muller, la british pop girl
Depuis de très nombreuses années, le Royaume-Uni (un peu comme la France d’ailleurs) se traine une réputation de loser de l’Eurovision. On a souvent eu l’impression qu’ils fouillaient dans les poubelles des labels et envoyaient ce qui leur tombait sous la main.
Mais l’année dernière, l’impossible se produisit : les anglais ont envoyé une chanson à peu près digne du concours. Le chevelu Sam Ryder et son titre “Spaceman”, croisement musical entre un David Bowie mi-cuit et un Robbie Williams aux hormones, a terminé sa course à la deuxième place ! Du jamais vu pour un pays qui a plutôt l’habitude de passer le balai dans le fond du classement.
Le Royaume-Uni veut donc redoubler d’efforts pour redorer son blason. En envoyant Mae Muller, encore peu connue du grand public mais dans le circuit depuis quelques années déjà, les anglais misent sur leur savoir-faire pop. Car “I Wrote A Song” est un titre so british, dans la lignée de ce que la FM locale diffuse en boucle, entre Dua Lipa et Mabel. Co-écrit avec Karen Poole (à qui on doit des tubes de Kylie Minogue ou des Sugababes), c’est un titre club terriblement efficace mais qui ressemble beaucoup… à d’autres titres club efficaces produits en Angleterre.
Mae Muller, dont les chansons pop et délurées font penser à une Lily Allen nouvelle génération, a 25 ans et déjà un album et quelques EP à son actif. L’un de ses titres est devenu viral aux Etats-Unis en 2021 (“Better Days”, avec le groupe suédois Neiked) et on a pu la voir en première partie d’une tournée des Little Mix. En gros, c’est un peu une soutière de l’industrie du disque britannique, qui j’espère profitera de l’énorme visibilité que lui apportera le concours pour enfin percer avec un vrai tube au Royaume-Uni et en Europe, car elle le mérite.
Marco Mengoni, la ballade qui tue
12 millions de téléspectateurs ont assisté à la finale du festival de Sanrémo, et à la victoire du multi-platiné Marco Mengoni, superstar en Italie. Il avait déjà participé au concours de l’Eurovision il y a pile dix ans avec “L’Essenziale” (qui lui vaudra la 7ème place du classement), il remet ça cette année.
Ces derniers temps, l’Italie a le vent en poupe. Les rockeurs romains de Måneskin avaient replacé le pays sur la carte du cool avec leur victoire au concours en 2021. Mais cette fois-ci, on change complètement d’ambiance. “Due Vite” est une énorme chanson de rupture aux accents bien variétoche, mais son refrain défonce toutes les plus belles ballades italiennes des années 80, haut la main.
Reiley, la TikTok pop
Il a 25 ans, dix millions d’abonnés sur TikTok et représentera le Danemark en mai prochain. Reiley sera le premier représentant des Iles Féroé de l’histoire du concours. Avec son look de power twink aux boucles sautillantes, il est pour l’instant moins connu pour sa musique que pour ses vidéos virales sur la plateforme chinoise.
Il n’empêche que “Breaking My Heart” est un tube synth-pop plutôt efficace, quelque part entre les sons de Lauv et Troye Sivan. Avec son refrain un peu minimaliste, le titre aura peut être du mal à séduire le public, au milieu des chanteuses à voix et des grosses turbines eurodance. Mais même s’il ne fait pas d’étincelles au concours, il y a des chances pour que “Breaking My Heart” devienne un tube en streaming et que Reiley se fasse un nom en Europe.
Noa Kirel, doin’ it for the gays
Sur le papier, tout est réuni pour que Noa Kirel fasse un très bon score au concours. Israël envoie sa super popstar que les gays adorent, avec un club banger qui part dans tous les sens, avec son message inclusif neuneu, tout le monde peut être une licorne, etc.
Un peu nepo girl (son père businessman a lancé sa carrière), un peu actrice, un peu Dua Lipa (pour les tubes pop calibrés), Noa Kirel, 21 ans, est dans la place depuis presque dix ans maintenant. “Unicorn” est efficace, le staging et la choré qu’elle prépare seront probablement redoutables, mais la concurrence est rude cette année, et même si le titre coche toutes les cases, il n’est pas forcément à la hauteur de son imposante discographie.
Teya & Salena, le tube méta
Dans un concours où très souvent, la plus grosse voix, le plus gros refrain ou la plus grosse dose de paillettes comptent triple, il est difficile de se pointer avec une chanson trop intelligente ou trop méta. Pourtant, c’est exactement ce que vont faire les deux autrichiennes Teya & Salena.
De quoi parle “Who The Hell is Edgar” ? De deux auteures de chansons possédées par le fantôme de l’écrivain Edgar Allan Poe, qui va les aider à produire des tubes. Dans l’idée, on est plus proche du scénario barré d’un film indie produit par A24 que d’un tube de l’Eurovision.
A travers ce titre, les filles critiquent les plateformes de streaming qui rémunèrent les artistes au compte-gouttes (le gimmick “zero dot zero zero three” fait référence aux 0,003 dollars que les auteurs d’une chanson touchent à chaque écoute sur Spotify), et évoquent la difficulté des meufs à gagner leur vie et se faire une place dans une industrie musicale squattée par les mecs.
Avec sa rythmique effrénée qui fait un peu penser au “bad guy” de Billie Eilish et les “Poe Poe Poe Poe” du refrain, “Who The Hell is Edgar” est malin, addictif et agaçant à la fois. On a parfois l’impression de regarder un Palmashow pour hipsters. Reste que cette chanson-sketch autobiographique est un statement qui a tout à fait sa place dans le concours, et pourrait même créer la surprise.
La Zarra, french art de vivre
J’ai déjà eu l’occasion de parler en longueur du titre “Evidemment” dans un autre post. Un mois après avoir été dévoilée, la chanson de La Zarra, malgré son efficacité et ses gros efforts pour sonner comme un tube, ne tourne pas énormément ni sur les radios ni sur Spotify, ce qui n’est jamais bon signe.
Entre rengaine disco et ritournelle de diva d’entre deux guerres qui roule les “r”, “Evidemment” est peut être trop calibrée pour l’Office du Tourisme, et pas assez pour les plateformes de streaming pour vraiment convaincre. Mais je reste persuadé que le charisme de La Zarra sur scène peut faire des miracles, et emmener la chanson plus haut que ce qu’on imagine.
J’aurais pu parler de la prêtresse madrilène Blanca Paloma pour l’Espagne, ou de Diljà, sosie islandais (physique et sonore) de Robyn. De la pop polonaise de Blanka ou de Gustaph, le belge adepte du voguing. Il y a tellement de bons titres cette année que je n’ai pas réussi à tout mettre dans un seul post.
Et vous, quels sont vos titres préférés, qu’est-ce qui tourne déjà en boucle chez vous ?
En attendant la finale du 13 mai, vous pouvez réviser vos classiques de l’Eurovision avec la titanesque Eurovision Party Playlist, qui regroupe le best of de la sélection 2023 et tous les bangers du concours sur près de 6 heures.
Et pour suivre l’actu des artistes de l’Eurovision, de l’europop en général et même carrément de la pop du monde entier, c’est sur Club Corbeille que ça se passe. Et pour ne rien rater, rien de mieux que de s’abonner.