La Zarra peut-elle faire gagner la France à l'Eurovision ?
La question qu'on se pose chaque année avec un.e artiste différent.e
Hier soir, en clôture du JT de France 2, Laurent Delahousse et son brushing impeccable mirent fin à l’interminable attente des eurofans, en dévoilant la chanson qu’interprètera La Zarra lors de la finale de l’Eurovision le 13 mai prochain à Liverpool.
La Zarra est déjà bien connue du grand public en France. L’hiver dernier, “Tu t’en iras” était en boucle sur les radios et les chaines de clips. Tube hybride entre deux âges, entre pop FM ultra moderne et hymne suranné de chanteuse à voix, le titre s’est bien classé chez nous et au Québec, pays d’origine de l’artiste canado-marocaine.
Lorsqu’à la mi-janvier, l’annonce de la participation de La Zarra au concours fut officialisée, beaucoup de fans se sont dits enthousiastes. La personnalité haute en couleur, le look, la voix et le charisme de la chanteuse sont plutôt Eurovision friendly. Pour beaucoup d’entre nous, c’était même une évidence.
Reste que la France n’a pas décroché de victoire depuis 1977, et ce malgré avoir presque touché du doigt la première place il y a deux ans avec le titre de Barbara Pravi. Alors cette année, il va falloir envoyer du lourd.
Produit par la team de “Tu t’en iras” (Benny Adam et Banks & Ranks, des canadiens derrière des titres rap de Niro pour l’un, et des tubes pop pour Sean Paul, Sia ou même Twice pour les autres), “Evidemment” ne pouvait être qu’un banger.
Après une intro très altière et orchestrale, où La Zarra roule les “r” et joue les divas francophones d’un autre âge (les habituelles imitations de Piaf, Barbara, Dalida et consoeurs), le refrain passe en mode disco à la Dua Lipa. C’est le wow effect du morceau, et la touche La Zarra, ce mélange rusé entre passé et présent, entre la Suze et le poppers.
Est-ce que le titre est suffisamment bon pour un top 5 ? Difficile à dire. Passé l’effet de surprise qui n’en est pas un (on se doutait que le titre allait sonner comme ça), “Evidemment” n’a peut-être pas tout à fait la puissance de frappe mélodique et le souffle épique exigés pour l’Eurovision.
On notera aussi que le titre veut cocher tellement de cases que c’en est presque gênant. Certes, le choix de La Zarra est indiscutable, c’est son moment. Avec sa dégaine de fashion icon et son caractère extraverti, nul doute que la chanteuse sera très populaire lors des rencontres avec les eurofans. Elle est juste parfaite pour le job. Mais est-ce qu’on est vraiment obligés de jouer systématiquement la carte du french glamour rétro mâtiné de piafferies ?
Peut être qu’à vouloir trop en faire, chercher à tout prix la formule gagnante, la délégation française oublie que l’Eurovision est avant tout un concours de chansons. Et toute cette débauche d’énergie que l’on met dans le calibrage, on la perd en spontanéité.
Certes, le staging, le look, la personnalité des artistes comptent beaucoup. Mais s’il n’y a pas le refrain qui met tout le monde d’accord, la mélodie qui pulvérise toute résistance, alors il n’y a pas de top 5. Et en France, on n’a jamais été les meilleurs sur ce terrain-là. Du coup, on cherche toujours à gagner par la séduction et la ruse. Et en musique, lorsqu’on voit trop les intentions, c’est toujours un peu périlleux.
Au delà de ces bémols, il faut quand même admettre que le titre est un bop. On souhaite donc à la France de grimper le plus haut possible, car cette année la chanson ne nous fait pas honte, et c’est déjà suffisamment rare pour être signalé et célébré. Et on envoie de bonnes vibes à notre cousine du Québec qui réussit haut la main son défi, celui de “chanter la Grande France” !